310 millions de dollars, c’est le montant investi dans Beyond Meat, Memphis Meats et Impossible Foods, 3 des leaders de la viande de substitution. Au delà de la somme, les investisseurs eux mêmes sont prestigieux : Bill Gates, Richard Branson et Tyson Foods (une multinationale spécialisée dans la viande). Pourquoi tous ces investissements ?
Cela peut s’expliquer par la croissance du végétarisme, les polémiques sur le bien être animal et les contraintes environnementales (l’élevage d’animaux est une des principales sources de polluants). Tout cela créé un climat peu propice aux protéines animales.
Alors que certaines startups commercialisent des substituts aux protéines animales traditionnelles, que ce soit avec des insectes, des algues ou des légumineuses, un certain nombre d’entrepreneurs cherchent à remplacer la viande… par de la viande. Plutôt que de changer les habitudes des consommateurs de façon radicale en remplaçant un produit par un autre totalement différent, des entreprises cherchent à proposer dans votre assiette, un produit qui à l’odeur, le goût et si possible le prix d’un steak, tout en garantissant de meilleures propriétés nutritionnelles, une meilleure traçabilité et évidemment un impact sur l’environnement et les animaux le plus réduit possible.
Deux révolutions à venir : viande « végétale » ou viande « créée » en laboratoire
Depuis quelques années, plusieurs startups majoritairement américaines comme Beyond Meat, travaillent sur l’élaboration de « viandes » composées uniquement de végétaux. Ils réalisent des efforts impressionnants pour rechercher parmi tous les végétaux disponibles, ceux qui en se combinant pourraient recréer les propriétés de cuisson, d’apparence, d’odeur et bien sur organoleptiques (le gout). La société, qui a déjà levé des dizaines de millions de dollars et vient de faire entrer Leonardo Di Caprio à son capital, commercialise ses premiers burgers végétaux dans certaines chaînes comme Whole Foods.
Comment mieux attirer l’attention sur une technologie ou une startup qu’en annonçant un investissement conjoint de Bill Gates et de Richard Branson ? C’est le cas pour Memphis Meats, une startup américaine qui développe des viandes d’un nouveau genre, à partir de cellules animales, et donc sans impliquer l’abattage. La startup est toujours en phase de R&D et travaille à réduire les coûts de fabrication très élevés de sa viande de laboratoire.
Qu’il s’agisse de cette technologie ou des startups qui font des recherches autour de protéines végétales, ces entrepreneurs sont peut être en train de révolutionner l’approche que l’on a de la viande.
Des investissements de long terme
Si certains de ces produits sont déjà disponibles en supermarché, notamment quand ils sont mélangés à d’autres ingrédients, certaines viandes de synthèse sont estimées à plusieurs dizaines de milliers d’euros le kilo. Ceux qui financent ces projets sont-ils fous ? Non, ils parient sur la baisse des prix de ces viandes alternatives, avec la découverte de nouveaux processus et l’industrialisation des productions, et sur la hausse des cours de la viande « traditionnelle » liée à une augmentation des contraintes (traçabilité, attente de viande plus « saine » de la part du consommateur…).
Ce pari parait raisonnable au vu des sommes engagées si l’on rapproche le secteur alimentaire de celui de la santé. La course est aujourd’hui engagée pour trouver LA molécule ou le procédé permettant de produire chaque viande de substitution au plus prêt de l’original, avec pour objectif des brevets et une exclusivité.
Et le poisson ?
Alternative évidente à la consommation de viande pour l’apport en protéines, les poissons et crustacés sont aussi un domaine d’intérêt pour les startups. La majorité des innovations se concentrent du côté de l’élevage en aquaculture, voir en aquaponie (où les déchets générés par les poissons en élevage sont utilisés pour nourrir des plantes). Ces circuits idéaux sur le papier sont encore couteux à installer et à maintenir. Agriloops, sélectionné par l’incubateur Food’inLab de l’AgroParisTech développe une solution rentable autour des crevettes, produit à forte valeur ajoutée.
Bien que les produits issus de la mer soient en général associés avec une image de bienfaits pour la santé, et que les activités de pêche ou d’aquacultures soient moins visibles que l’élevage, des entrepreneurs s’intéressent aussi à la production de poissons à base de plantes. C’est en particulier le cas pour le thon, espèce particulièrement recherchée pour sa chair et dont la pêche industrielle menace l’existence. La startup Ahimi propose déjà son alternative au thon dans plusieurs chaines de supermarchés américains.
Ce n’est qu’un début
Que des industriels de l’agro-alimentaire s’associent à des milliardaires du web ou à des fonds souverains est révélateur de l’ampleur du mouvement et du potentiel de ce secteur. Ces produits ont le potentiel pour changer radicalement les modes de consommation en commençant par répondre aux demandes des consommateurs de protéines de meilleure qualité à tout point de vue. Il est même possible d’imaginer des évolutions vers des produits personnalisés en fonction des goûts ou besoins de chacun. Ces défis sont majeurs et se rapprochent rapidement. On peut donc regretter l’absence en Europe de startups ayant l’ampleur financière de celles citées plus haut pour y répondre.
Cependant, aujourd’hui personne ne peut prédire l’acceptabilité sociale de ces nouveaux produits, notamment quand ils seront disponibles en grande quantité et menaceront les filières traditionnelles d’élevage. Celles-ci se recentreront-elles sur des productions à forte valeur ajoutée ou l’élevage d’animaux avec un objectif de consommation deviendra t’il inacceptable ?
article également publié chez Maddyness